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Benjamin STORA

historien

Traces et mémoires de la guerre d’Algérie dans la société française

jeudi 3 octobre 2002 20h30

De la mémoire à l’histoire
Le difficile consensus des mémoires françaises autour de la guerre d’Algérie


Beaucoup de choses ont été dites et écrites en France, entre 1999 et 2002, sur la question des enjeux de mémoire autour de la guerre d’Algérie (1).

Le coup d’envoi de cette véritable explosion mémorielle fut le vote à l’Assemblée Nationale française, acquis à l’unanimité en juin 1999, d’une proposition de loi visant à la reconnaissance du terme de "guerre" pour qualifier les évènements advenus en Algérie entre 1954 et 1962. De nombreuses polémiques lui ont fait suite, dont le point culminant fut sans doute la parution du livre du général Aussaresses.

Dans la seule année 2001, de nouveaux lieux de mémoire attachés à la guerre d’Algérie sont apparus : la plaque apposée sur le pont Saint-Michel à la mémoire des victimes algériennes de la manifestation du 17 octobre 1961, celle que le Ministère de l’Éducation Nationale a posée en souvenir de Max Marchand et Mouloud Feraoun.

En 2002-2003, deux projets sont en cours de réalisation : le mur des soldats (son inauguration est prévue pour la fin de l’année 2002), et le mémorial de l’histoire de la colonisation qui doit être inauguré à Marseille en 2003.

Il n’est plus possible d’aborder aujourd’hui la question des enjeux de mémoire en termes d’occultation comme je l’avais fait en 1991 dans La gangrène et l’oubli (2).

Quelles sont les nouvelles problématiques concernant le rapport de la mémoire à l’histoire ? Quelles sont les nouvelles formes de mise en mémoire et d’écriture de l’histoire autour de la guerre d’Algérie ? Et pourquoi est-il si difficile de construire un consensus mémoriel autour de cette séquence brûlante de l’histoire française ?

(1) Un article de Tramor Quemeneur, paru en décembre 2001 à la Documentation Française, fait le point sur ces nombreuses prises de parole en recensant les articles parus dans la presse écrite et les émissions de télévision consacrés au sujet.

(2) La gangrène et l’oubli, la mémoire de la guerre d’Algérie, Paris, Ed. La Découverte, 1991, réédition en 1998.



5 octobre 2002

« La mémoire de la guerre d’Algérie est toujours là »

Invité, jeudi en soirée, de la Liberté de l’esprit, l’historien Benjamin Stora a abordé « la mémoire de la guerre d’Algérie dans la société française ». Un exposé brillant qui a souligné « l’absence de consensus mémoriel » autour d’un drame qui « continue dans les têtes et dans les coeurs ».

Depuis dix ans, la guerre d’Algérie revient en force dans nos mémoires. Benjamin Stora parle à ce propos du « retour de la mémoire d’Algérie ». La fin du conflit en 1962 avait laissé la place à un oubli à la fois « nécessaire et pervers ». « Une fois passé le traumatisme de la guerre s’était instauré un oubli légitime pour continuer à vivre, souligne l’historien. La France était en situation de conflit permanent depuis 1939. L’opinion voulait enfin profiter du boom économique, de la civilisation des loisirs naissante. D’un autre côté, l’oubli avait pour objectif d’effacer un passé difficile et honteux de notre histoire ». Benjamin Stora le rappelle avec force : « La guerre d’Algérie a été un cataclysme dont on n’a pas mesuré les effets pendant très longtemps ». Embourbée dans un conflit qui ne porte pas son nom, la France change alors brutalement de visage : fin de la IV e République, naissance de la V e République (« un instrument pour construire la guerre »), conflit idéologique profond au sein même des formations politiques, mobilisation du contingent... « Arrachés pour la première fois à leurs villes et campagnes, plus de 1.500.000 Français, nés entre 1932 et 1942, découvrent la violence, loin de chez eux, pendant de longues durées, de 18 à 30 mois. Pour la société française, ce fut un choc en profondeur ».

Le cloisonnement des mémoires

Pendant les deux décennies suivantes, la guerre d’Algérie passe à la trappe malgré une production littéraire et cinématographique loin d’être négligeable. « Toutes ces oeuvres s’adressent à des publics particuliers qui ne se rencontrent pas, remarque Benjamin Stora. Quel est le point commun entre « L’honneur d’un capitaine » de Schoendoerffer (1982) et le brûlot antimilitariste « RAS » signé Yves Boisset (1973) ? Il n’y a pas de consensus mémoriel autour de la guerre d’Algérie ». Les années 1990 marquent un tournant dans la mémoire avec la mort de Mitterrand et l’arrivée au pouvoir de Chirac et Jospin. Parallèlement, la guerre civile en Algérie réveille la première guerre d’Algérie. « De nouvelles minorités nationales (beurs, harkis), réclament aussi des lieux de mémoire », poursuit Benjamin Stora. En juin 1999, la reconnaissance officielle par l’Assemblée nationale de la guerre d’Algérie est un événement « politique considérable ». « Le réveil de la mémoire n’est pas pour autant fini, conclut Stora. Nous n’en sommes qu’au début. Le travail des historiens est réactivé depuis l’ouverture des archives en 1992. Il faut noter qu’il n’y a toujours pas de date officielle de la fin de la guerre d’Algérie. Comment dans ces conditions y mettre fin ? Elle est toujours dans les têtes et les coeurs ».

* Gilles Carrière



Biographie

Professeur d’Histoire du Maghreb aux Langues Orientales à Paris (INALCO)

Né à Constantine (Algérie) en 1950, Benjamin Stora est Professeur des Universités. Il enseigne l’histoire du d Maghreb et de la colonisation française (Indochine-Afrique), co-dirige l’institut Maghreb-Europe à Paris VIII-St Denis depuis 1990.

Titulaire de plusieurs doctorats en histoire et sociologie dont celui en sciences sociales du Maghreb et du Moyen-Orient contemporains, il a travaillé sous la direction de MM. René Rémond, Philippe Vigier, Charles-Robert Ageron.

En matière d’enseignement, Benjamin Stora a été, en 1982, assistant en sociologie et histoire contemporaine à Paris VII (Jussieu), maître de conférence en 1986 et professeur d’histoire contemporaine à Paris VIII-St Denis depuis 1993 depuis 1993, il a été nommé responsable de la préparation au CAPES d’histoire-géographie en 1993. Il participe à l’encadrement des DEA Maghreb (Paris I, III et VIII), ainsi qu’à celui des DEA Méditerranée à l’INALCO) où il a été chargé d’enseignement.

Sur le plan de la recherche, Benjamin Stora est directeur scientifique à l’Institut Maghreb-Europe (Paris VIII). Il est membre du Laboratoire Tiers-Monde-Afrique (CNRS) et de celui de Sociologie de la Connaissance (Paris VII). A l’institut d’Histoire du temps présent (CNRS), il est membre de deux groupes de travail : Décolonisation de l’Empire français et Histoire et Psychanalyse. Il dirige, depuis 1995, le DEA Maghreb, Sciences sociales à St-Denis-Paris VIII.

Benjamin Stora a passé l’année 1996 à Hanoï, détaché à l’École française d’Extrême-Orient (EFEO) pour une recherche sur les " imaginaires de guerre, Algérie-Vietnam " (&Eacuted. La Découverte, 1997). Il a enseigné à l’Université de New-York, en 1998, l’histoire de la colonisation française. Il est en détachement à Rabat à l’ex-IRMC en 1999 pour une recherche sur les nationalismes marocain et algérien. Il a réalisé trois documentaires pour la télévision sur la guerre d’Algérie.

Ouvrages et publications

 Messali Hadj, pionnier du nationalisme algérien.
 Dictionnaire biographique de militants nationalistes algériens - 600 portraits.
 Nationalistes algériens et révolutionnaires français au temps du Front Populaire.
 Les sources du nationalisme algérien. Parcours idéologique, origine des acteurs.
 Histoire de l’Algérie coloniale (1830-1954).
 La gangrène et l’oubli. La mémoire de la guerre d’Algérie.
 Ils venaient d’Algérie. L’immigration algérienne en France (1912-1992).
 Aide-mémoire de l’immigration algérienne. Chronologie (1922-1962). Bibliographie.
 Histoire de la guerre d’Algérie.
 Histoire de l’Algérie depuis l’indépendance.
 Ferhat Abbas. Biographie avec Zakya Daoud.
 L’Algérie en 1995.
 Dictionnaire des livres de la guerre d’Algérie (1955-1995) - 2300 résumés.
 Imaginaires de guerre, Algérie-Vietnam en France et aux Etats-Unis.
 Appelés en guerre d’Algérie.
 Algérie, formation d’une Nation, suivi de " Impressions dans l’Est algérien ".
 Le transfert d’une Mémoire. De l’Algérie française " au racisme anti-arabe.
 Les 100 portes du Maghreb.






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